La reprise de WILLIAM SAURIN.

08/12/2017
Professeur Agrégé des facultés de droit. Fondateur de la revue des procédures collectives
B. SOINNE
(Professeur Agrégé des facultés de droit. Fondateur de la revue des procédures collectives)

Administrateurs judiciaires :

Maître Frédéric Abitbol

37 Avenue de Friedland

75008 Paris

Maître Christophe Thévenot

42 Rue de Lisbonne

75008 Paris

Mandataires judiciaires :

Maître Stéphane Gorrias

15 Rue de l'Hôtel de Ville

92200 Neuilly-sur-Seine

Maître Valérie Leloup-Thomas

102 Rue du Faubourg Saint-Denis

75479 Paris Cedex 10

 On se souvient que cette affaire a fait beaucoup de bruit l’an dernier, suite au décès de sa patronne charismatique Monique PIFFAUT, et la révélation de trucage des comptes pendant près de 10 ans. Un plan de financement avait à l’époque était trouvé afin de sauver les 3.000 emplois. Il ne restait plus qu’à retrouver un repreneur. C’est chose faite grâce à l’offre conjointe du tandem Cofigeo (Raynal & Roquelaure, Zapetti) et Arterris qui fait partie du groupe Financière Turenne Lafayette. Leur offre date du 2 juin dernier et a été proposé dans le cadre d’un prepack cession. Celle-ci a finalement été accepté le 3 octobre par le Tribunal de commerce de PARIS. On peut d’ores-et-déjà signaler que le prepack cession est une nouveauté introduite par l’Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 à l’article L. 611-7 du Code de commerce, qui est directement inspiré du droit américain de la faillite. Il consiste en la préparation, dans le cadre d’une procédure amiable (mandat ad hoc ou conciliation), de la cession de tout ou partie des actifs du débiteur. Cette cession sera par la suite établie et mise en œuvre dans le cadre d’une procédure collective par un plan de cession. Le Tribunal va pouvoir ainsi arrêter un plan de cession déjà pré-négocié dans le cadre de procédures préventives, ce qui permet un gain de temps considérable, la recherche de candidats ayant été réalisée pendant la phase amiable.

On rappellera que par jugement du 12 juin 2017 le tribunal a ouvert une procédure de redressement à l'égard de la société SAS William Saurin avec une période d'observation d'une durée de six mois jusqu'au 12 décembre 2017. William Saurin est détenue à 100 % par la financière Turenne Lafayette également citée et présente. Par jugement du 4 juillet 2017 le tribunal sur assignation a prononcé l'extension à la SAS financière Turenne Lafayette de la procédure de redressement ouverte à l'égard de la société William Saurin et a nommé les mêmes organes de la procédure.

L’autorité de la concurrence a statué à propos de cette affaire. Elle ouvre une phase d’examen approfondi dans le cadre de cette reprise par la société financière Cofigeo de certains titres et actifs du pôle plats cuisinés du groupe Agripole (William Saurin, Panzani, Garbit).

Une conciliation était intervenue le 24 novembre 2016 avec pour objectif notamment d'assister la société dans l'organisation éventuelle d'une cession partielle ou totale de l'entreprise ou de ses actifs qui pourraient être mis en œuvre dans le cadre d'une procédure collective ultérieure. Cette procédure de conciliation s'inscrivait dans une négociation engagée au mois de novembre dernier entre la quasi-totalité des sociétés du groupe Agripol et leurs créanciers financiers. On observera une première étape qui a été accomplie par la signature d'un protocole de conciliation prévoyant notamment le gel de l'intégralité de la dette financière, l'injection par les banques de 63 millions d'euros devant permettre de couvrir le besoin de financement estimé de l'année 2017. Cet accord a été garanti entre autres par des fiducies portant sur les principales marques exploitées par le groupe. Il était également prévu le lancement de la recherche de repreneurs avec l'assistance d'une banque d'affaires de premier plan.

A la suite de cette campagne s'agissant du pôle « plat cuisiné » il a été contacté 53 acquéreurs potentiels, 45 d'entre eux ont reçu un dossier de présentation, 22 ont établi une lettre d'intention non chiffrée, 13 ont remis des lettres d'intention chiffrées et enfin il a été constaté quatre offres fermes qui ont été effectivement reçues.

Au cours des trois derniers exercices William Saurin a vu son activité diminuer de 85 % à la suite d'une baisse des prix de vente non compensée par des baisses des coûts variables, étant précisé que la crise liée au scandale de la viande de cheval a eu un très fort impact en 2014 sur le chiffre d'affaires. Le point mort de l'activité de William Saurin est élevé dans un contexte de marché en repli. La société a poursuivi une stratégie d'accroissement de parts de marché sur la période de 2014 à 2016 au détriment évidemment des prix de vente. Tout cela a engendré une baisse de la marge sur coûts variables à l'origine d'une dégradation.

La juridiction énonce les actifs nécessaires à l'exploitation, les titres financiers et parts sociales détenus par la société dans les filiales énoncées ci-dessus.

Il est encore indiqué que l'offre forme un tout indivisible. Les repreneurs ont arrêté entre eux les termes et conditions de leur futur partenariat pour les relations de sous-traitance industrielle concernant la fabrication des petits pâtés. Les repreneurs ont convenu de la continuité des termes et conditions de sous-traitance se prévalant actuellement.

Il est ensuite ajouté (page huit en bas de la décision) que l'offre s'inscrit dans le cadre d'un « prépack cession » de la seule société, les filiales demeurant in bonis, prévue aux articles L 611-7 alinéa 1er et L 642-2 alinéa 2 du code de commerce et cette offre répond aux dispositions des articles L 642-1 et suivants et R 642-1 et suivants du code de commerce.

Le prix de cession total de l'offre est égal à 42 millions d'euros et est ferme et définitif. Il a été arrêté sur la base des éléments juridiques et financiers communiqués. Le prix de cession total est réparti entre les périmètres considérés à savoir le périmètre numéro 1, les stocks 15 millions d'euros, les autres éléments d'actif un euro par catégorie ; s'agissant du périmètre numéro 2 le prix des titres consserves du Languedoc SAS est de 24,4 millions d'euros

La première offre qui a été examinée est celle présentée conjointement par les sociétés financières Cofigéo et Artérris société coopérative agricole. Les deux auteurs de l'offre agissent sans solidarité entre eux. Il s'agit de la reprise de la totalité des activités constituant le pôle plat cuisiné du groupe Agripol exploité par la société William Saurin. Il en est de même de ses filiales restauration, Julien Mac SAS, SARL choucroute de campagne, CCA Périgord SAS.

Si le mandataire de justice en exprime le souhait le repreneur numéro 1 accepte d'apporter gracieusement son concours pour le recouvrement des créances sur les clients qui resteront en relation d'affaires avec le repreneur numéro 1 dans le cadre des flux commerciaux courants et ce à l'exception de toute action précontentieuse ou judiciaire. Inversement il est ajouté qu'aucune dette de la société à l'égard des fournisseurs ou des clients et plus généralement de tiers ne sera supportée par le repreneur numéro 1 en ce compris les passifs sociaux et fiscaux et les passifs qui pourraient résulter pour la société d'éventuels litiges - réclamation - contentieux auxquels elle serait partie et qui trouveraient leur origine dans la période antérieure à la date d'entrée en jouissance. Le repreneur numéro 1 n'assumera pas davantage le passif éventuel à l'égard d'un affactureur. A contrario les actifs liés à un contrat d'affacturage, tels que le fonds de garantie, ne sont pas repris par le repreneur numéro 1.

Le plan de cession prévoit une entrée en jouissance au 3 octobre. Notons que le groupe coopératif Arrterris étant d'ores et déjà, depuis le 15 juin, les locataires et les gérants de ces sociétés. Après 10 mois de recherche après un repreneur, on peut se réjouir que ce plan sauve près de 3.000 emplois.

Il faut souligner la compétence manifestée aussi bien par les administrateurs judiciaires que par les mandataires judiciaires. Ce résultat a pu être obtenu par leur diligence, leur compréhension du dossier qui n’était certes pas simple et qu’il a fallu intégrer et maîtriser. Ce n’est certes pas la première fois que l’on souligne la compétence de ses mandataires de justice mais la constatation est ici elle-même particulièrement crédible.

 

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